Le délit d’abus de faiblesse du Code de la consommation

Le délit d’abus de faiblesse du Code de la consommation

Marion Ravut

Vous pensez être victime d’un abus de faiblesse ? En tant que consommateur, on sait tous que certains professionnels peu scrupuleux profitent de notre ignorance dans certains domaines, pour nous vendre des produits ou des services inappropriés.

Néanmoins, tous les actes d’un professionnel profitant d’une telle vulnérabilité dans la relation client-professionnel ne sont pas condamnables au titre du délit d’abus de faiblesse. On vous explique le droit applicable lorsque vous êtes victime d’un abus de faiblesse, la procédure à suivre pour agir et les sanctions possibles !

Qu’est-ce que l’abus de faiblesse selon le Code de la consommation ?

Définition de l’abus de faiblesse 

L’abus de faiblesse se définit comme une pratique commerciale qui consiste à solliciter le consommateur afin de lui faire souscrire un contrat (très souvent lors d’un démarchage à domicile), en abusant de la situation de faiblesse ou d’ignorance de ce consommateur. 

Pour que l’abus de faiblesse soit reconnu, certaines conditions sont exigées. Ainsi, un état de faiblesse doit ressortir de la situation. L’article L121-8 du Code de la consommation interdit d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire des engagements. Cela signifie que les personnes dans les cas suivants seront reconnues comme étant en état de faiblesse : 

  • Une personne qui n’était pas en mesure d’apprécier la portée des engagements qu’elle a pris ;
  • Une personne qui n’a pa pu déceler les ruses ou artifices utilisés par un professionnel pour la convaincre ;
  • Une personne qui a été soumise à une contrainte (pressions graves et répétées pour manipuler la victime de manière à fausser son jugement).

L’état de faiblesse est une situation dans laquelle la victime ne mesure pas la portée de son engagement et ignore les conséquences de ses actes. La victime est dans l’incapacité de faire face à la pression faite sur elle par le professionnel en raison de sa fragilité. Cet état de faiblesse peut être : 

  • Momentané : par exemple, lorsque la victime était dans une situation d’urgence et qu’elle n’a pas eu d’autres choix que d’accepter l’engagement proposé, en cas d’état dépressif momentané, d’état psychologique fragilisé (isolement, séparation, choc…), de situation financière bancale, etc.
  • Permanent : si l’engagement a été souscrit, par exemple, par des personnes âgées ou mineures, qui étaient vulnérables car en mauvais état de santé, handicapée physique ou mentale ou encore qui par une personne qui a une mauvaise compréhension de la langue française, en état dépressif durable, de faible niveau d’éducation, etc.

Bon à savoir : de nombreuses personnes confondent abus de faiblesse et abus de confiance. Or, pour que l’abus de confiance soit reconnu au titre du Code pénal, les conditions sont bien distinctes. Ainsi, l’abus de confiance (article 314-1 du Code pénal) se caractérise par le fait de « détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ». L’auteur profite alors de la confiance, et non de l’ignorance, que lui avait accordée la victime pour réaliser le détournement et faire de la chose un usage frauduleux. Un contrat doit nécessairement avoir été passé entre l’auteur et la victime. En clair, l’abus de confiance protège l’atteinte à la propriété privée, alors que l’abus de faiblesse ou de l’état d’ignorance a pour but de protéger la personne victime. 

Exemples concrets d’abus de faiblesse

Vous pensez être victime d’un abus de faiblesse ? Voici les principaux cas dans d’abus de faiblesse, qui sont en partie listés par les articles L.121-9 et L.121-10 du Code de la consommation :

  • Démarchage commercial à domicile ou par téléphone lors duquel le professionnel profite de la vulnérabilité de la personne victime ; 
  • Offre personnalisée, effectuée à domicile sous forme de sollicitation personnalisée à se rendre sur un lieu de vente, assortie d’avantages particuliers (cadeaux, espérances de gains, remises, etc.) ;
  • Transaction effectuée dans un lieu non destiné à la commercialisation du bien ou du service proposé (exemple de lieu non approprié à la vente : parking) ou encore dans le cadre de foires ou de salons ;
  • Vente inutile pour le consommateur (exemple : faire souscrire une personne qui n’a pas d’ordinateur à une offre d’abonnement internet, que ce soit via un lieu physique ou sur un site internet) ; 
  • Engagement pris à l’occasion de réunions ou d’excursions organisées par l’auteur de l’abus de faiblesse ou à son profit ;
  • Transaction conclue à la suite d’une situation d’urgence qui a mis le consommateur dans l’impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés ou de demander un devis (exemple : serrure bloquée, clés du logement perdues en soirée, voiture ou chauffage en panne…) ;
  • Pressions psychologiques exercées sur une victime sous l’emprise d’une secte, de mouvements sectaires ou encore d’un tiers (un voisin, un ami, un membre de la famille…) ; 
  • La remise d’une somme d’argent importante et sans contrepartie réelle (que ce soit en monnaie, par chèque bancaires ou postaux, virement bancaire, via un site internet, etc.) par une personne en situation de vulnérabilité ;
  • Le fait d’être à l’origine de l’abstention d’un acte (par exemple, lorsque la personne en état de vulnérabilité a été poussée à ne pas refuser une succession déficitaire).

L’abus de faiblesse ne peut être invoqué à tout va ! C’est une protection pour le consommateur, mais il est également du devoir de chacun de rester vigilant. Prendre des mesures de prévention est important : faites jouer la concurrence pour connaître les offres et tarifs du marché et lisez avec soin les contrats avant de souscrire à un engagement.

Bon à savoir : même si la personne qui aurait été abusée semble en état de faiblesse (par exemple, cela concerne des personnes âgées ou malades), cet état de vulnérabilité devra être prouvé. En outre, cet état de vulnérabilité doit être antérieur à l’engagement qui a été pris et la faiblesse ou l’ignorance devait être connue du professionnel ayant potentiellement commis un abus de faiblesse conformément au Code de la consommation.  

Que faire face à un abus de faiblesse ? 

Une victime d’un abus de faiblesse à deux possibilités pour agir. Dans un premier temps, tenter de résoudre le différend à l’amiable. Dans un second temps, en cas d’échec, intenter une action en justice. 

La résolution amiable d’un différend lié à un abus de faiblesse

Il est recommandé de tenter en premier lieu une résolution amiable du litige. Appelez le professionnel en question, expliquez-lui la situation et essayez ensemble de trouver un terrain d’entente

Si le professionnel ne veut rien entendre, vous pouvez lui envoyer une lettre de mise en demeure afin qu’il soit informé de votre demande (demande d’annulation d’une vente à domicile pour abus de faiblesse), de son motif, des arguments juridiques et de votre intention d’aller en justice s’il ne coopère pas. Si vous avez besoin d’aide pour rédiger cette lettre juridique dans les règles, faites appel à Justice Express, expert dans la résolution amiable des litiges, qui s’occupera de la rédiger pour vous, grâce à ses juristes et huissiers partenaires. 

La résolution judiciaire d’un différend lié à un abus de faiblesse

En cas d’échec de la résolution amiable a échoué, toutes les personnes victimes d’un abus de faiblesse ont le droit de demander une action en justice. C’est votre dernier recours. Avant de saisir les tribunaux, vérifiez bien que vous prouver que : 

  • L’abus commis par le professionnel et ses conséquences étaient bien intentionnels
  • La personne victime était vulnérable avant de souscrire à l’engagement litigieux et pendant sa souscription (exemple de preuve : production d’un certificat médical attestant de la vulnérabilité de la personne concernée et de son manque de discernement lors de l’engagement pris) ; 
  • Le professionnel avait connaissance de la vulnérabilité de cette personne. 

Avant d’engager une procédure en justice, il convient au préalable de porter plainte auprès du commissariat ou de la gendarmerie de votre lieu de domicile. Les services de police ou de gendarmerie enregistreront votre plainte et la transmettront au procureur de la République qui décidera de la suite de votre affaire (enquête, classement sans suite, etc.). 

La personne victime ou son représentant pourra alors demander la réparation du préjudice qu’elle a subi. A cette fin, elle devra se constituer partie civile lors du dépôt de plainte ou pendant la procédure. Elle pourra obtenir :

  • Le remboursement du montant du prix du bien ou de l’argent détourné ;
  • Des dommages et intérêts pour réparer son préjudice ;
  • Le remboursement des frais engagés pour le procès.

La personne victime d’un abus de faiblesse a 5 ans pour demander la nullité de l’acte contesté en justice (à compter de sa majorité si la personne était mineure ou, pour un majeur protégé, à compter du jugement prononçant sa mise sous tutelle ou sous curatelle). 

Seule la personne victime momentanément en état de faiblesse pourra porter plainte. Si la personne est considérée comme étant toujours en état de faiblesse, il n’est pas possible de partager la plainte. C’est son représentant légal qui devra le faire (personne mineure, sous tutelle, sous curatelle, etc.). En dehors des cas où la victime n’a pas la capacité à agir, ses proches ne sont pas autorisés à porter plainte à sa place. Néanmoins, les proches ayant personnellement souffert de l’abus de faiblesse auront un intérêt à agir.

Vous souhaitez porter plainte ? Faites appel à Justice Express qui se chargera de saisir le juge compétent et de la gestion de toutes les démarches de saisine des tribunaux pour vous et sans frais d’avocat, grâce à ses juristes et huissiers partenaires. 

Bon à savoir : avant de porter plainte, il est possible d’effectuer une pré-plainte en ligne si vous ne connaissez pas l’auteur des faits, ce qui vous fera gagner du temps dans la gendarmerie ou le commissariat. Vous pouvez également faire une demande de plainte par courrier. 

Les sanctions de l’abus de faiblesse prévues par le Code de la consommation

Toute personne ayant abusé de la faiblesse ou de l’ignorance d’une autre, dans un état de faiblesse avéré et prouvé, pourra être condamnée à une peine d’emprisonnement de trois ans et une amende de 375 000€ en vertu de l’article L132-14 du Code de la consommation.

Ce montant peut être porté à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. 

Les sanctions de l’abus de faiblesse prévues par le Code pénal

Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du Code pénal, du délit défini par cet article encourent, outre l’amende, des peines pénales complémentaires (notamment des interdictions professionnelles, l’affichage de la décision, etc.). 

De plus, le contrat sera reconnu comme nul et la situation devra être rétablie comme si le contrat n’avait jamais existé (par exemple, remboursement d’une somme d’argent, annulation de la souscription à un abonnement, etc.). 

Par ailleurs, l’article L223-15-2 du Code pénal prévoit les mêmes sanctions que celles mentionnées par le Code de la consommation, dans les cas d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse des victimes suivantes

  • un mineur ; 
  • une personne particulièrement vulnérable du fait de son âge, une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique ou un état de grossesse apparent ou connu de son auteur ;
  • une personne en état de sujétion psychologique ou physique, résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Le Code pénal prévoit en outre une sanction aggravée pour le dirigeant d’un mouvement sectaire poursuivant des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités. Dans un tel cas de figure, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 € d’amende.

Bon à savoir : si l’abus de faiblesse ne semble pas concerner votre cas, l’infraction potentiellement commise par le professionnel pourrait être une pratique commerciale agressive. Selon l’article L.121-6 du Code de la consommation, c’est un comportement commercial qui consiste à solliciter de façon répétée et insistante le consommateur ou à recourir à une contrainte physique ou morale (violence) afin d’altérer sa liberté de choix, d’obtenir son consentement ou d’entraver l’exercice des droits qu’il tire du contrat conclu avec le professionnel. La personne victime n’a pas besoin d’être en état de faiblesse pour que l’infraction soit reconnue. 

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